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"Une paire d'escarpins en signe d'amitié"!
Vive Mily!
Mily hier et aujourd'hui
Mily incarnait les valeurs de la classe moyenne française des années 1960 et reprenait tous les thèmes propres à la jeunesse de l'époque, du style yéyé à l'esprit de Françoise Sagan mais aujourd'hui elle n'en n'est pas moins une poupée "sans valeur" et encore largement ignorée pour son importance socio-culturelle. En tant que poupée de modes, elle est relativement rare à trouver et donc largement ignorée des collectionneurs. Pourtant depuis une dizaine d'années on sent un frémissement d'intérêt à son sujet. Cet article, qui fut initialement publié dans DOLLS magazine (avril 1991) fut le premier à révéler au public averti la spécificité de la passionnante Mily. Malheureusement, elle reste toujours aussi difficile à trouver dans les marchés aux puces ou ventes spécialisées, ou dans le marché prise de tête N1, j'ai nommé ebay. Il y a de toute évidence une poignée de collectionneurs dans le monde, spécialement en France et aux USA qui sont "au parfum". Mais je crois fermement qu'un jour on commencera à retrouver des Mily dans les caves ou les greniers. En attendant ce probable revival, peu de gens réalisent à quel point cette poupée si française a été un pur reflet de son époque, les insouciantes et candides années soixante. Même si elle a échoué à son examen du bac parce qu'elle n'a pas suffisamment révisé des maths, trop occupée qu'elle était par sa guitare et sa garde-robe, Mily n'était cependant pas une écervelée et était concernée par les problèmes de son temps, au moins comme n'importe quelle jeune fille d'alors!
Une garde-robe superbe
Une garde robe mirobolante!
Parmi ses guêtres à boutons, ses mules quintessentielles en plastique transparent, ses bas et collants à couture en maille ou en lycra à motifs, ses chapeaux mous à la Brigitte Bardot, ses valises noires et ses sacs fourre-tout, ses parapluies et ombrelles, son bureau complètement équipé avec un calendrier (1965), des crayons et une trousse, ses imperméables et cirés en vinyl très mod, ses bigoudis aussi sixties que ses berlingots de champoing marqués "Champoing Gégé", ses accessoires pour faire le ménage (un tablier en plastique imprimé écossais, une plumeau très comique, une ligne pour tendre le linge et ses épingles), sans oublier ses bijoux (une multitude de broches kitsch, des pendentifs aussi typiquement sixties, des colliers aux perles à l'échelle, des ceintures dorées et des bracelets voyants, tout cela très Ms Humbert-Humbert (interprétée par Shelley Winters dans le cultisme film "Lolita" de Stanley Kübrick), jusqu'à son petit chien en cure pipe appelée Boby et son petit ami à plumes, un petit oiseau ébouriffé...
Des modèles tous plus ravissants les uns que les autres
"Une paire d'escarpins en signe d'amitié"!
Mily eut le support publicitaire de la consommatrice idéale, un magazine: un peu comme La Semaine de sujette pour lapoupée Bleuette, Mily était largement exposée dans la très populaire revue pour adolescente, Lisette. Lorsque les lectrices écrivaient à "Mily", ils recevaient une lettre type, avec l'écriture manuscrite de Mily sur son propre papier à en-tête qui disait:
Dolly/Mily, même combat: son manteau "Orly" est très Ungaro.
Aloa, Eric et Gilles
Clones de Dolly, Gilles et Eric, un couple transgenre avant l'heure?
Mily eut une version plus grande d'elle-même, faite par Gégé, qui s'appela Dolly et elle eut deux amis assez efféminés, il faut le dire, tout à fait dans le genre garçons-coiffeurs. Cela tient au fait que, au lieu de créer un personnage masculin à part entière comme Jacky, Gégé se contenta de prendre le corps et la tête de Dolly....et de lui rajouter une pilosité: collier,moustache et coiffure en cheveux artificiels implantés. Le résultat est tout à fait surprenant, avec les petites mains féminines de Dolly...Leur garde-robe accentuait ce coté ambigu, car elle était assez efféminée: pattes d'eph', trench-coats avec ceinture et larges cols....tuniques avec ceinture basse, le look de l'époque quoi! Eric était supposé être dans la Marine en plus!
Dolly eut aussi une amie noire Hawaiienne nommée Aloha qui eut une ravissante garde-robe et son nom inscrits sa propre boite. Dolly avait la même taille que Crissy de Ideal Toys. Elle eut une garde-robe similaire d'esprit de celle de Mily, mais de plus grande taille, une mode ébouriffante et passionnante à plus d'un titre. Elles furent souvent même montrées ensemble dans les derniers catalogues de Gégé, mais ceci est une autre histoire.
Gilles & Gilles
"French Contemporary“
Coté spécificités techniques, Mily eut d'abord des jambes raides et une longue coiffure ondulée, mais eut aussi ses jambes pliantes: elles furent curieusement abandonnées en 1968, probablement du fait des coupes budgétaires imposées par les difficultés économiques que connaissait la société Gégé.
L'époque jambes pliantes, résumée par Mily en jumpsuit orange pattes d'eph très Courrèges, avec sa longue chevelure retenue en une queue de cheval (généralement blond cendré ou clair) -et ses escarpins très féminins mais quelque peu décalés- était présentée dans une boite d'esprit psychédélique aux couleurs arc en ciel. L'époque "mod" de Mily est totalement fascinante, car les motifs et imprimés de ses robes surpassent largement en excentricité ceux de Barbie de la même époque. Ils ont un coté très Ungaro! Quant au packaging, on pourrait le considérer comme une forme avant-l'heure de recyclage industriel car Gégé utilisait alors, pour faire des économies, des stocks de vieux cartons: on peut s'en apercevoir en découvrants sur la face non imprimée des anciennes publicités de produits sans aucune lien avec le monde de Mily. Les tenues elles-mêmes étaient fixées de façon assez rudimentaire sur le carton et avaient du papier de médiocre qualité pour rembourrer les habits. Les premières boites en revanche avaient ce petit coté Jacques Tati, très représentatif des sixties en France, qui a été nommé "French contemporary" par les Anglo-saxons, un style qui a influencé le monde entier.
A l'occasion de promotions diverses concernant Mily, Gégé envoyait à de petites cartes qui comprenaient une paire d'escarpins sous plastique transparent et un foulard vert attaché à la carte. Parfois c'était au moment de Noël, parfois simplement pour relancer les ventes lorsque celles-çi devaient stagner.... Mily eut même son porte-clefs lorsque ce fut la grande mode d'en faire des collections au milieu des années 1960...Mily eut aussi sa propre malle de poupée, comme toute poupée de mode digne de ce nom. La sienne avait un imprimé doré avec une Mily du tout début en illustration. Elle eut aussi son armoire à garde robe de style moderne, qui fut disponible dans plusieurs catalogues de grands magasins, comme le Printemps, qui représentait Mily. Elle ne fut probablement pas fabriquée par Gégé. Il y eut aussi ces chaises très Mon oncle de Tati, en fil de fer noir avec lanières de plastique et les tables assorties, également pas une productions e Gégé mais tout de même signés par eux.
Des myriades de tenues
Une chose est sure avec Mily, c'est qu'elle eut des myriades et des myriades de tenues, dessinées et créées pour elle. La robe de mariée reste encore la plus facile à trouver, en condition jamais sortie sa boite. Vu leur nombre, elles ont dû se poser en concurrence de celles de Barbie, ET en plus elles lui allaient! On peut imaginer le scénario suivant: une petite consommatrice vient d'acquérir enfin l'objet du désir, cette Barbie si fascinante, mais Maman, qui veille au porte-monnaie, lui achète une robe ou deux de Mily, moins chère que celles de Barbie, bien plus chère alors, du fait de l'importation...
La même robe de Mily peut exister parfois en cinquante tissus et imprimés différents, avec des variations d'accessoires. EIles furent aussi vendues pendant de nombreuses années, surtout les robes de mariée. Plus intéressant à savoir, les tenues de Mily, mais aussi de Jacky et Baby, ne furent pas toujours illustrées dans ses catalogues, et plus particulièrement après 1966, cessèrent tout simplement de l'être alors que leur production était importante. On pouvait encore les trouver, jamais sorties de leur boite, dans les années 1980 en France, mais il était impossible d'en retrouver la trace dans une photo de catalogue ou autre support publicitaire.
Il existe donc une quantité impressionnante de tenues et d'accessoires de Mily, toutes très représentatives de la mode et de la haute couture française, et cela dura jusqu'à la fin de sa carrière, en 1973. Les Colifichets de Mily, en revanche, sont extrêmement rares à trouver en condition jamais sortis de la boite, et paradoxalement il n'y en eut que de petites quantités de fabriqués. Gégé continua a écouler ses stocks après la fin de la production de Mily mais c'était trop tard: Barbie avait grignoté le marché et avait conquis la première place de poupée mannequin reine de la mode Barbie Fashion Queen), grâce à l'implacable logistique et au redoutable marketing à l'américaine de Mattel, fait de campagnes publicitaires massives, de promotions et d'une distribution efficaces. Mily fut petit à petit délaissée, et même une vedette qu'elle avait si bien représentée comme Sheila, la trahissait en se faisant photographier dans Salut les Copains avec ses poupées Barbie! Quelle époque!
Ces catalogues de Mily donnent une excellent idée de l'inventivité et de la variété de sa garde-robe, avec des ensembles pleins de charme et de dynamisme.
La garde-robe de Dolly est aussi fascinante que celle de Mily, seule la taille change.
Vive Mily!
Les années 1970 sont particulièrement reconnaissables dans la garde-robe de Mily, ace ces imprimés exubérants, comme Alcazar, combinaison pantalon pattes d'eph, faisant effet de robe du soir ( comme le Patio Party de Barbie) et qui serait encore à la mode aujourd'hui. Des robes à épaule découverte dans des tons unis acidulés en acétate, des ensembles tweed à pantalon fuseau de couleurs vives ( vert acide, de l'orange tango du jaune citron, du rose shocking soulignés de noir, tout dans le même tissu), des vestes longues cintrées et des capes de style ultra mod, sont quelques uns des pièces remarquables de la garde robe de Mily de cette époque.
Elles évoquent aussi les modèles de l'époque ultra pop art de Yves Saint-Laurent, des lignes et des diagonales rehaussées d'aplats de couleurs pour des robes épurées. Le modèle "Orly", ensemble manteau avec béret et écharpe assortis ressemble à s'y méprendre à un modèle d'Ungaro. Protégé de Balenciaga pendant son règne absolu des années mi soixante, quand il fit sa transition mod avec ses autre poulains Courrèges et Cardin. L'ensemble Mily/Ungaro, en laine bleu ciel a des accents de marron caramel et de pastel, tout à fait dans l'air du temps aurait pu être créé pour l'actrice Mireille Darc. Une des minirobes de Mily qui s'appelle "Emplettes" (le joli mot si français) est un fourreau ceinturé en orange acide et de gros pois blancs, très Balenciaga tardif.
Mily aura débuté sa carrière avec un look totalement Balenciaga première période et la finira dans un style quie n'aurait pas renié le grand maitre de l'élégance...un reflet parfait de l'histoire de cette brève période si représentative de l'esprit de l'époque.
Charmante Mily, tu as bien mérité ta place dans le panthéon des poupées de mode!
BillyBoy*, mai 2004.
Merci à Dominique Le Dan, Gilles Blanchard.
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